D'un bout à l'autre de la Méditerranée
L'ASPMV a noué des liens avec l'Escola del Mar de Badalona (Catalogne)
Prononcé en faisant sonner le t, le mot "bout" est synonyme de cordage. L'usage veut que sur un bateau on n'emploie le mot corde que pour désigner celle de la cloche ou celle d'un pendu. Il convient de préciser, d'autre part, que sur un navire les cordages sont si nombreux et si spécifiques, qu'ils portent tous un nom précis : drisse, écoute, câble d'amarrage, bouline etc...
Festa del Mar de Badalona, 10 juin 2007
Les recherches de l'ASPMV sur la corderie et les cordages ont intéressé l'Escola del mar de Badalona (http://www.badalona.cat/aj-badalona/medi-ambient/ca/escola-mar.html), qui à l'occasion de ses 20 ans a invité l'Association.
On aperçoit sur la photo ci-dessus, Mme Maïte Arqué i Ferrer, Mairesse de Badalona, arborant fièrement le toupin, cône de bois rainuré que l'on place entre les fils pour le commettage (cf. l'Art de la Corderie Perfectionné de Duhamel du Monceau - ed. Connaissance et Mémoires Européennes) qui lui a permis de réaliser une aussière, cordage commis une seule fois et composé de 3 ou 4 torons (cf. Dictionnaire de Marine Willaumez - ed. Le Chasse Marée) de manière traditionnelle avec la complicité de Madame l'Adjointe à l'Environnement de la ville. Elles furent initiées dans cette tâche par Jean Michel Pastor animateur (à gauche de la photo) et Dominique Tailliez, président de l'ASPMV.
Du radeau au catamaran
Pas de bateau sans cordages; naviguer eût été impossible sans eux. Du radeau fait de troncs assemblés par des lianes, aux embarcations plus évoluées nécessitant un lest et une cargaison stables, sans oublier les catamarans modernes, les cordages constituent un des éléments essentiels de la solidité et stabilité des navires. Ils évoluent en fonction du développement de la navigation à voile. Pendant les manoeuvres, ils servent à larguer les amarres, tenir les mâts, retenir l'ancre etc... C'est pourquoi depuis des millénaires, sur terre ou sur mer, du nord au sud et d'est en ouest, les hommes ont fait preuve d'ingéniosité et perfectionné les lianes en utilisant les fibres de l'agave, de l'alfa, du chanvre, du cocotier, du lin, du palmier et autres plantes.
De nos jours les cordages sont en fibres synthétiques, les cordiers et leur savoir faire ainsi que les manufactures, ont disparu. En France, dans les meilleurs des cas, par exemple à Rochefort-sur-Mer, les bâtiments restaurés des anciennes corderies abritent un musée. A Villefranche, des laboratoires de l'Université Pierre et Marie Curie sont installés dans l'ancienne corderie. Rares sont les passants qui, longeant les 165 mètres (100 brasses françaises) de façade, connaissent la destination première de cet édifice rectangulaire situé sur le port de la Darse. La construction de cette corderie date de la fin du 18° siècle. A cette époque il semble que Villefranche, Port Royal de Piémont-Sardaigne, se fournissait en chanvre dans la région de Carmagnola (http://www.museipertutti.it/dettaglio-museo.aspx?id=38), au Piémont. Aussi l'Association a-t-elle décidé de faire revivre ces techniques ancestrales reléguées dans les vitrines de trop rares musées. La transmission de ce patrimoine lui a permis de nouer des liens, au delà des frontières terrestres et de rabouter les hommes soucieux de transmettre ces savoir-faire qui témoignent de l'inventivité humaine.
L'atelier corderie
Parmi les animations proposées par l'ASPMV, l'atelier corderie est celui qui remporte le plus de succès auprès du public. Les plus jeunes sont contents d'actionner la machine et de repartir avec un bout d' aussière qu'ils ont eux-mêmes fabriquée. Quant aux adultes, ils s'émerveillent devant cette technique si simple mais si astucieuse qui grâce au toupin permet d'obtenir des cordages sur mesure. En français, espagnol ou catalan le public est séduit.
L'époque dorée de la corderie à Badalona.
A Badalona, depuis le 18° siècle, le métier de cordier était une activité liée à la pêche. Au début, les pêcheurs et leurs familles fabriquent leur propre matériel mais au fur et à mesure que la pêche se développe, le besoin en cordages augmente et conduit à une spécialisation du métier. Cette activité qui démarre de façon artisanale va se moderniser peu à peu et introduire des machines. Il s'en suivra une importante activité manufacturière qui contribuera à l' expansion et à l'essor économique de la ville. Le besoin d'espace pour traiter le chanvre était tel que, les cours des premières corderies avaient la longueur d'un pâté de maisons. On peut constater sur la photo ci-dessous le nombre élevé de personnes nécessaires à la fabrication d'un cordage. Les dimensions de la cour donnent une idée de la taille des bâtiments eux-mêmes.
Lorsque la corderie devient une activité manufacturière, le volume de la production augmente et les corderies s'installent souvent aux alentours des villes. A Badalona, la grande tradition de la corderie culmine avec l'installation d'établissements étroitement liés à l'histoire de la ville comme les corderies Domenech, Ribo ou Joan Font. La qualité des cordes faites à Badalona était telle que la corderie Ribo devint le fournisseur officiel de la Marine espagnole. La publicité des établissements Domenech, (photo ci dessous), précise qu'ils fabriquent pour la pêche : tous types de fils, de filets, faits à la main, catalans, palangres, lusins, sartis. La partie de droite vante les produits destinés à la marine ou à l'industrie tels que : bitords goudronnés, lusins, cordages divers, fils pour coudre des sacs, fils en pelotes, etc...
Séquence nostalgie
Cette activité économique disparaîtra peu à peu de la cité. Aujourd'hui l'établissement Ribo affiche toujours fièrement les attributs de la corderie et les vestiges d'une gloire oubliée.
En 1990, la dernière corderie, Joan Font, ferma ses portes. De nombreux habitants de Badalona s'en souviennent encore. Grand-père, père, oncle y avaient appris le métier. Aussi, le 10 juin 2007, devant le stand de l'ASPMV sur les Ramblas, malgré la barrière de la langue, une aussière de 20 mètres de long fut-elle fabriquée, comme au tout premier temps, en commettant (tordant) les fils de caret (nom du fil fait avec des fibres de chanvre qui sert à fabriquer tous les cordages). Les plus curieux des passants purent ainsi revivre une page de leur histoire et découvrir la richesse d'un patrimoine à préserver. Cette préservation est une des ambitions de la direction de l'Escola del mar qui songe à un musée de la corderie grâce à une donation de matériel des établissements Joan Font.
Puisse ce projet être soutenu par l'Ajuntament, la Generalitat et autres Institutions. En deçà ou au delà des Pyrénées, il est une vérité bonne à dire: une volonté politique est nécessaire pour délier les cordons de la bourse.