La Darse de Villefranche sur mer

La Darse de Villefranche sur mer

LA DARSE DE VILLEFRANCHE SUR MER

 

L'hôpital des galériens         

hôpital des galériens         radoub                   corderie                 lazaret                         voûtes 

 

La Darse de Villefranche-sur-Mer fut construite pour accueillir les galères et se protéger des incursions maritimes.

Lors de sa création, au milieu du XVIe siècle, la zone de mouillage des galères était délimitée par un môle de grosses pierres extraites de la falaise voisine. Ce môle, dans sa longueur actuelle, date de la période 1725-1728, comme l’attestent les clefs de voûtes des niches qui servaient soit de magasins, soit de cuisines à terre pour la chiourme. A son extrémité, côté mer, fut érigée une mosquée ou moschea de’Turchi (détruite par une tempête en 1773), témoignage de la présence de nombreux esclaves musulmans au service des galères.

La Darse vers 1750

Cette longue fabrique délimitait un large espace devant le port, d’abord d’accès libre, puis fermé par un mur et une porte monumentale, du côté de la citadelle. L’emplacement devint un espace de représentation pour de grandes manifestations publiques, principalement dans la seconde moitié du XIXe siècle.

Le renfort extérieur du môle, que l’on peut parcourir à deux niveaux différents, fut par la suite dessiné et projeté par Filippo Nicolis di Robilant. Une chronique de 1730 révèle qu’à la fin de cette année étaient terminés le môle et le bassin couvert pour la construction des galères ou « forme des galères » dont les coques étaient jusque là achetées à d’autres chantiers, ainsi que la lanterne d’entrée de la rade. La première galère construite à Villefranche fut la « Santa Barbara », lancée en 1739. La façade monumentale du bassin, telle un véritable arc de triomphe à trois arches, constituait, côté mer, un majestueux fond scénographique pour l’ensemble du port.

 

Facade du bassin de radoub par Lesueur

Elle fut démolie entre 1851 et 1852 pour permettre l’entrée de bateaux munis de roues à aubes. A l’autre extrémité, un arsenal (connu actuellement sous le nom de « vieille forge ») complétait cet ensemble, protégé de la mer par une batterie et un chemin de ronde. La corderie, initialement à un seul niveau et recouverte d’une charpente de bois et de tuiles, fut le dernier édifice utilitaire construit au XVIIIe siècle (1771). Cette longue fabrique délimitait un large espace devant le port, d’abord d’accès libre, puis fermé par un mur et une porte monumentale, du côté de la citadelle. L’emplacement devint un espace de représentation pour de grandes manifestations publiques, principalement dans la seconde moitié du XIXe siècle.

La Darse début XXe siècle

 

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L’Hôpital des galériens

Vue récente du bâtiment depuis la mer

L’Institut de la Mer de Villefranche et son débarcadère

Entrée de l’hôpital des galériens 

Le linteau situé au-dessus de la porte principale du bâtiment indique que celui-ci a été construit en 1769. Dénommé sur les documents historiques « Hôpital des galériens », il a surtout, semble-t-il, servi de logement pour des galériens, puis de bagnards après la fin de l’utilisation des galères.

 Le bagne de Villefranche ayant été fermé vers 1850, le bâtiment est resté inoccupé jusqu’en 1857, date à laquelle le gouvernement sarde, à la suite du Congrès de Paris, céda à la Russie l’usufruit de durée indéterminée du bâtiment des galériens et de celui de la Forge pour permettre à la flotte russe d’avoir une base en Méditerranée et de se ravitailler en charbon. Après la session du Comté de Nice à la France en 1860, le gouvernement français ne s’opposa pas à cette occupation et se contenta d’inscrire le domaine et les bâtiments sur le cadastre comme propriétés de l’état.

débarcadère construit par la marine russe

Après le congrès de Berlin en 1878, la Marine Russe ne pouvant plus faire passer ses vaisseaux de la mer Noire à la Méditerranée, les bâtiments des galériens et de la Forge restèrent inemployés, mais la Marine Russe conserva leur usufruit et un gardien était chargé de l’entretien des bâtiments.

En 1882, un chercheur russe, Alexis Korotneff obtint l’autorisation du Ministère de la Marine Russe d’installer dans « la Maison russe » un laboratoire de zoologie.

Alexis Korotneff (1852-1915)

Jules Barrois (1852- 1943)

 

En 1885, A. Korotneff et le chercheur français J. Barrois eurent l’autorisation d’installer un laboratoire franco-russe dans le bâtiment des galériens.

Après la guerre de 1914-1918 et la révolution soviétique, la station zoologique subsista tant bien que mal, ne recevant plus de subvention de l’état soviétique. En 1932, elle fut rattachée à l’Université de Paris. Elle fait maintenant partie de « l’Institut de la Mer de Villefranche » qui dépend de l’Université Paris-Sorbonne.

Tous les détails concernant la période russe du bâtiment se trouvent dans le Bulletin de la section des Sciences du Comité des travaux historiques et scientifiques, Tome IV : « Histoire de la station zoologique de Villefranche-sur-mer », par Grégoire Trégouboff, Paris, 1983.

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Documents

Projet de construction de l’hôpital des galériens en 1767

Ce projet de construction de l’hôpital des galériens est signé par l’architecte Jean-François Michaud (174-1807). Il date du 24 septembre 1767. Le bâtiment avait une structure en basilique avec une nef centrale plus haute que les nefs latérales. Le rez de chaussée au niveau de la mer était destiné à un grand magasin pour le service des frégates et devait communiquer avec un bassin permettant le flottage des bois (on ne sait pas si ce bassin a été réalisé). Le premier étage était divisé en deux parties, l’une abritant le grand hôpital à trois nefs, l’autre, l’hôpital particulier. Une chapelle située en face de l’entrée centrale séparait  ces deux hôpitaux.

 

Plan et profil du bagne de Villefranche

D’après ce plan, non daté, le grand hôpital a été transformé en caserne des gardiens, l’hôpital « particulier » a été conservé. Les condamnés à perpétuité (ergastolo) sont à l’étage inférieur. Seule une partie de la nef externe, côté terre, a été surélevée.

 

Ergastolo Villafranca

Ce plan de 1790, probablement un projet, montre la surélévation des deux nefs latérales sur une partie du bâtiment.

 

Plan et profil du bagne de Villefranche, de l’hôpital, de l’atelier et autres annexes

 D’après ce document intitulé : « Plan et profils du bagne de Villefranche, de l’hôpital, de l’atelier (lavoratojo) et autres constructions annexes, avec indication des travaux achevés le 31 octobre 1838 et ceux qui restent à faire », la totalité de l’étage supérieur de l’ex hôpital a été transformé en bagne, l’étage inférieur servant d’atelier pour les forçats. L’hôpital est transféré au premier étage de l’ancien arsenal. En rouge : parties à construire, en jaune : celles à démolir.

 

Photographie de la nef centrale, lorsqu’elle était utilisée pour suspendre des filets à plancton dans les années 1960

 

Sol de la grande galerie en schiste noir avec les pavés en calcaire dans lesquels étaient scellés les anneaux qui retenaient les chaînes des forçats

 

 

galerie du rez-de-chaussée au niveau de la mer

 

plan d’architecte du bâtiment actuel et mise en évidence de l’harmonie de l’architecture du rez de chaussée due au respect du nombre d’or.

 

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Le bassin de radoub

Le bassin de carénage ou « forme des galères », actuellement appelé « bassin de radoub » a été construit au fond de la darse à partir de 1728. Conçu à l’origine par l’architecte Di Robilant, comme un bassin fermé, le bassin du radoub était un bassin de carénage qui servait à construire et réparer les galères du roi de Sardaigne Victor-Amédée II ; Il fut ensuite relié à la mer et taillé en gradins descendants depuis le centre jusqu’à la sortie pour épouser la forme des galères. La comparaisons des plans antérieurs à sa construction avec ceux postérieurs montre que le bassin a été construit sur un espace gagné sur la mer.

La darse avec la forme des galères en 1748

Ce bassin ouvert à une extrémité, était couvert : cinq arches latérales, parallèles à la forme, soutenaient une toiture abritant le chantier et se terminaient, côté mer, par une façade monumentale. L’arc majeur central, enjambant le bassin, enrichi de marbre en provenance du port de Savone, offrait l’aspect d’une porte monumentale, tandis que deux arches latérales, plus petites, permettaient l’accès par la terre et la fermeture du chantier naval, mettant celui-ci à l’abri des voleurs et des espions et préservant ses secrets.

D’après les recherches faites par Mara de Candido aux archives de Turin, le commandant du port, Fontana, écrit le 3 août 1736 à S.M. le roi de Sardaigne : « Sur ordre de votre Majesté, on a commandé de poursuivre les travaux du bassin pour pouvoir y construire les nouvelles coques de la galère Capitana ». Les travaux furent définitivement terminés en 1737.

Dans cette « forme », longue de 62 m et large de 12, démarra alors une intense activité de construction navale. La première galère fut la « Santa Barbara » dont le lancement et les premiers essais eurent lieu en juillet 1739. Moins d’une semaine après commença la construction de la nouvelle galère « Capitana » à la poupe richement décorée.

Par la suite, le rythme des chantiers resta toujours soutenu, malgré la difficulté de maintenir le bassin à sec. En 1771, le commandant Basso écrivait : « Après des travaux ininterrompus, ce bassin est enfin à sec, mais pour le maintenir dans cet état, vu qu’il s’y trouve, depuis le début, une source très abondante, il faut utiliser trois pompes jour et nuit pour réaliser la construction projetée ». Il envisageait une solution définitive suivant une proposition faite par le contremaître local Giorgioli. Ce dernier envoya à la Cour le projet, accompagné d’une note, pour l’installation « du tuyau prévu pour maintenir les pompes en action de façon permanente, afin d’assécher le canal des galères, où se trouve une arrivée d’eau fort gênante ». Après discussion et après avoir pris l’avis de l’autorité portuaire sur la chance de réussite du projet, on jugea convenable d’expérimenter cet équipement hydraulique, à savoir « le tuyau », récupéré des bâtiments royaux désaffectés, pour résoudre définitivement le problème de son utilisation à sec, en félicitant chaleureusement le contremaître. (1)

Un document inédit, conservé à Rome, nous apprend que la couverture monumentale fut démolie au milieu du XIXe siècle, lorsque s’est développée la navigation à vapeur sur des navires propulsés par des roues à aubes. Un projet de 1851 proposait sa suppression « afin de pouvoir faire entrer des bateaux à vapeur de 120 chevaux environ… sans qu’il faille démonter leurs roues ». Il fut réalisé avant 1853 ; ainsi, le bassin fut dépourvu d’une partie essentielle. (source : Mara de Candido)

Après le rattachement du Comté de Nice à la France,le bassin de radoub, fut occupé par l’escadre française et agrandi en 1888 pour prendre la taille qu’on lui connaît aujourd’hui. Puis délaissé par la marine française, le bassin  de radoub sera mis à la disposition de chantiers navals civils pour la construction et la réparation navale et le port sera aménagé et équipé pour l’accueil des bateaux de plaisance.

(1) : Aucun document n’explique le fonctionnement à cette époque du système de pompage, ni comment le bassin était isolé de la mer de façon étanche. Un document daté de 1893 donne des détails sur la construction d’un batardeau fermant le bassin en 1889.


Plans de la couverture du bassin de radoub (ISCAG-FT), 1850

Dessin  de la couverture du bassin de radoub en 1809 réalisé par  C.A. Lesueur, dessinateur du naturaliste François Péron de passage à Villefranche
Le bassin de radoub vide vers 1900 Photographie ancienne de la porte du bassin
Le bassin de radoub après le départ des allemands en août 1944 Bateau en réparation par le Chantier Voisin dans le bassin de radoub
Bassin de radoub en eau Bateau-porte actuel

Film sur la Darse de Villefranche

 Dans le cadre du concours « Mémoire des ports de Méditerranée lancé par la Fédération du Patrimoine Maritime Méditerranéen, l’ASPMV a produit en association avec la Chambre de Commerce et d’Industrie de Nice un film sur la Darse de Villefranche, réalisé par Yann Coatsaliou.

Pour visionner le film   allez sur you_tube en cliquant ici

 
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La corderie

 

Dès l’entrée de la Darse, autrefois fermée et gardée par un poste militaire, s’impose à la vue un très long bâtiment de 165 m sur 6 m de large. Il s’agit de l’ancienne corderie, dernier élément du port construit à partir de 1772, sous Charles Emmanuel III. A l’origine d’un seul niveau elle servait à la confection des cordages en chanvre nécessaires à l’armement des frégates qui ont été introduites en plus des galères depuis 1762. L’activité de corderie n’a pas duré plus de 20 ans, jusqu’à l’arrivée des armées révolutionnaires françaises en 1792. Un plan daté de 1836 montre un projet de transformation de la corderie en bagne. A t’il été réalisé, le bagne ayant été fermé quelques années plus tard ?

plan de transformation de la corderie en bagne, 1836

 

La corderie au début du 20ème siècle

Pendant la troisième république, le bâtiment est transformé en caserne, la caserne Nicolas, qui abrite les troupes, les mulets, chevaux et ânes du 24ème bataillon de Chasseurs Alpins (BCA) de 1876 à 1939.

Au début du XXème siècle la caserne a été surélevée d’un étage tout en conservant sa structure d’origine basée sur la répétition sur toute la longueur du bâtiment de 33 fois le même motif architectural de 5 m d’extension, chacun ayant une ouverture, fenêtre ou porte selon le niveau.

Après la dernière guerre, un Régiment de Tirailleurs Marocains (RTM) y est installé jusqu’en 1946. Les tirailleurs algériens suivent, ainsi que le 159ème Régiment d’Infanterie Alpine (RIA) jusqu’en 1951. 

Par la suite, la partie nord de la caserne reçoit des bureaux, une poste et un magasin à l’usage des marins américains de la VIème flotte jusqu’au retrait de la France du commandement militaire intégré de l’OTAN, en 1967. Les locaux restant sont loués à des artisans.

Propriété du Ministère des Armées, le bâtiment, cédé à l’Éducation Nationale, est attribué à la Faculté des Sciences de Paris (Sorbonne) en 1962. Le laboratoire de Géodynamique sous-marine s’installe dans la partie nord, celui de physique et chimie marines dans la partie sud. Actuellement l’ensemble appartient à Sorbonne Université (Institut de la mer de Villefranche, associé au Centre National de la Recherche Scientifique).

 

 


Le Lazaret

Le lazaret, du vénitien «lazzareto» pour nazareto, nom de l’hôpital Santa Maria de Nazareth à Venise chargé des pestiférés dès les années 1300 (ou du mot lazaro, lépreux, venant de Lazare).

Construit au milieu du XVIIe siècle, dans l’angle le plus éloigné et le plus isolé du port, il permettait la mise en quarantaine des hommes et des marchandises…

Le plan des rues de Villefranche mentionne « Chemin du Lazaret » pour désigner la route sans issue qui mène aux habitations du quartier Rochambeau. Parmi ceux qui l’empruntent combien savent qu’à cet endroit s’édifiait un grand édifice destiné à la « purga » (quarantaine) des marchandises et des équipages et au XVIIIème siècle, un chantier de construction des frégates ? Effacé lui aussi, le souvenir des épidémies de peste qui obligeaient à durcir le contrôle sanitaire à ces époques où la médecine se trouvait souvent désemparée face aux ravages de cette maladie.

Selon les archives de Turin, le terrain où doit être construit le Lazaret est choisi en 1668, sous le règne de Charles Emmanuel (1635-1675). En 1669, un premier projet qui s’inspire du lazaret de Marseille, est adressé à l’administration piémontaise de lazaret mais il est abandonné. Durant cette même année, un autre projet est conçu et accepté. L’édifice qui est alors construit est constitué de deux bâtiments rectangulaires alignés, formés de quatre galeries parallèles séparées par des arcades. Vers l’extérieur, de chaque côté, est placé un pavillon. Une enceinte, munie de tours d’angle, est percée de trois portes donnant sur des embarcadères bien séparés d’arrivée et de départ.

Deux cimetières sont aménagés auprès du Lazaret. L’un est destiné à l’inhumation des chrétiens ; l’autre, qui a contenu une mosquée, est réservé aux musulmans. Au début du XIXème siècle, selon les archives du Génie militaire de Rome, on envisage de déplacer les cimetières en vue d’une réhabilitation du Lazaret. Cet ensemble, dénommé « Infirmeries », est toujours considéré utile par les autorités militaires et sanitaires. Il faut dire qu’en 1835 une épidémie de cholera morbus ravage le Piémont et des médecins responsables de la Santé Publique correspondent avec leurs homologues français pour enrayer ce fléau. Malgré l’isolement on compte déjà 90 malades et 53 morts parmi les « âmes villefranchoises ».

Dès 1860 l’État français se soucie de la reconversion du lieu. En 1885, les bâtiments du Lazaret perdent leur rôle sanitaire, comme le relate un article du « Journal de Monaco » et servent de casernement au 12ème Bataillon d’artillerie de forteresse.

casernes construites à l’emplacement du lazaret au 19ème siècle

Sur cette carte postale des années 1925-1930, on distingue encore les casernes.

Le site du Lazaret, vu par Eugène Boudin en 1892
 

 

La pierre arabe de Villefranche

Cette pierre gravée, retrouvée dans les ruines du lazaret de Villefranche, se trouvait sans doute à l’origine sur un mur de la « Moschea de Turchi », édifiée sur le môle de la darse et détruite par une tempête en 1773.

 

« Il n’est de Divinité qu’Allah, Muhammad est l’Envoyé d’Allah. Ce lieu est celui où se tiennent les justes. Qu’il prospère au Pays des Infidèles par la grâce de ceux qui avec l’Islam sont dans la Vraie Voie ! Préserve-nous mon Dieu et fais que ce lieu soit pour nous dans la demeure de l’Autre Vie au Paradis des délices une source de bien en vertu de Ta générosité. O Toi qui Pardonnes et qui jettes un voile sur les fautes fais-en une réalité pour ta gloire et libère du feu de l’Enfer. Libère-nous et libère les Musulmans des mains de tes ennemis méchants par Muhammad, par sa famille, par ceux qui le suivirent dans son Emigration et par ceux qui le soutinrent à Médine !

Son achèvement eut lieu à la fin de Gumada I en l’an 1136 (25 février 1724) »

 

Retrouvée au milieu des ruines, après la démolition des casernes du Lazaret en 1960, cette pierre sur laquelle est gravée une sourate du Coran, porte la date de 1724. Elle a longtemps intrigué les historiens. Des recherches dans les archives de Turin permettent de supposer que cette pierre se trouvait à l’origine dans une mosquée construite à l’extrémité du môle, lors des travaux du XVIII ème siècle, mais détruite en 1773 par une forte tempête. On peut penser que la pierre et le contenu de la mosquée furent transportés au Lazaret.

Tour Paganini

Anonymes ou célèbres, les morts hantent ce lieu isolé, à l’écart de la cité. La seule tour de garde encore visible est dite Tour Paganini. On raconte qu’elle a abrité la dépouille du célèbre violoniste, surnommé le Diable pour sa virtuosité. Mort à Nice en mai 1840, l’inhumation chrétienne lui est refusée. Le Comte de Cessole, magistrat de la Santé, décide de mettre la dépouille au Lazaret. Mais peu de temps après, il doit, de nuit, embarquer le cercueil et gagner par mer le Cap Ferrat pour un nouveau refuge. D’autres péripéties suivent jusqu’à l’inhumation officielle en 1876.

Embarquement du cercueil de Paganini en direction du Cap Ferrat

Avec son toit de tuiles vernissées, c’est le seul vestige ancien du Lazaret avec les murs de rive et les débarcadères. La grille au dessus de sa porte possédait des restes de croix des Saints Maurice et Lazare, malheureusement détruits lors de la dernière restauration du site.

Plus tard, en 1882, les biologistes Jules Barrois et Hermann Fol installeront dans la petite tour le premier laboratoire de l’École des Hautes Études pour leurs recherches sur la faune marine présente dans la rade. Ils le transféreront, en 1885, dans la « Maison russe » à l’invitation d’Alexis Korotneff.

Les deux conflits mondiaux renforceront l’isolement de ce lieu déjà à l’écart de la cité, par sa position géographique, au pied de la falaise. Zone militaire oblige, peu de Villefranchois y avaient accès. Aujourd’hui les bâtiments d’habitation d’abord réservés aux militaires sont devenus des logements locatifs ouverts aux civils. Le prolongement du sentier du littoral en direction de Nice désenclave le lieu pour le rapprocher de son homologue niçois, le lazaret du port Lympia. Mais rien de spectaculaire aux yeux du touriste en dehors de la tour au toit de faïence vernissé.

Cette vue actuelle du site montrent les logements de la cité militaire Rochambeau ainsi que les vestiges de débarcadères de l’ancien Lazaret.

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DOCUMENTS SUR LE LAZARET

Il existe de nombreuses représentations du lazaret. La première, de Caullet, datant de 1669, montre probablement une version abandonnée.

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La deuxième, toujours de Caullet, en couleur (image en titre) ou en noir et blanc (ci-dessous), date de 1680, époque où le lazaret est achevé.

Les inscriptions présentes sur le dessin permettent de dater la construction et de connaître le fonctionnement du lazaret


Inscription supérieure gauche : Dessin baillé par Gaspard Caullet ayant eu la direction et application durant la fabrique, depuis l’année 1669 jusqu’à cejourd’hui 16 avril 1680.Gouverneur pour S.A.R. le dit Caullet.
 
   
Au dessus de la porte d’entrée des marchandises, il est précisé que le mole, au bout duquel a accosté un navire, mesure 12 trabucs de long et 5 de large (environ 38 m sur 16 m). A droite de cette porte : Le gouverneur à plus de 2 trabucs (6 m) des allées où les marchandises sont en purge donne les ordres à ceux qui sont avec la dite marchandise pour ouvrir les balles et manier comme il faut suivant sa qualité. De l’autre côté du grillage : Le gouverneur va voir les marchandises qui sont en purge, et ainsi fait son devoir.  

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D’après l’état d’avancement des constructions sur la darse, ce plan provenant des archives de Gênes date de la première moitié du 18ème siècle. La légende permet de connaître l’utilisation des 2 bâtiments du lazaret à cette époque :
7 la route
8 le cimetière
9 fontaine
10 pavillon
11 la monizione ( ?)
12 magasin de chanvre cordages
13 l’hôpital
14 les quartiers
15 magasin de bois, cordes
16 la cantine
33 La forge
34 La batterie

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Le lazaret, plan de 1784

Le plan ci-dessus du lazaret, daté de 1784, est extrait d’un plan plus général projetant la construction d’un grand port devant le lazaret, jamais réalisée. Mais c’est en fait une surcharge d’un plan de 1759. Les repères en noir indiquent les constructions existantes, ceux en rouge, celles projetées.C’est le premier plan prévoyant l’aménagement au sud du lazaret d’un bassin de construction de frégates. D’après ce plan, le bâtiment sud du lazaret était utilisé pour loger la chiourme (les bagnards).

Les légendes de ce plan semblent dater du plan original,  car d’autres documents indiquent que le bassin des frégates a été construit vers 1776. La frégate San Vittorio y a été construite en 1778.

S : Lazaret
Z : chantier où on fait descendre les pierres
T : logement des chiourmes et lieu d’hôpital
V : logements où est la troupe des galères présentement
x : logements des employés au Lazaret et corps de garde
W : terrains serrés par l’enceinte du lazaret
H : batterie du lazaret
& : emplacement servant à diverses commodités au lazaret
A : chantier pour la construction des vaisseaux
B : arcades servant de magasins pour la construction des vaisseaux et pour travailler à couvert
C : emplacement pour travailler aux constructions
D : barrière qui ferme le chantier de construction
E : plan du mole qui défend le lazaret

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Cet extrait d’une carte dressée en 1796  pendant l’occupation française montre que la construction du bassin des frégates avait commencé.  

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Deux plans très similaires datent probablement de la même époque. Le deuxième, provenant des archives du Génie Militaire de Rome, est daté de juillet 1818 et s’intitule   » Pianta generale dell antico Lazaretto di Villafranca coi progetti di reparazione e d’innovazione » . Le premier est probablement légèrement plus ancien. A gauche des plans figurent en bord de mer le bâtiment prévu en 1759, qui sert de magasin, puis le bassin pour la construction des frégates. Des forçats sont logés dans les anciens bâtiments. Une chapelle a été aménagée dans le bâtiment nord et il est envisagé de déplacer le cimetière des forçats en hauteur derrière les bâtiments. Plusieurs équipements sont très dégradés.

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En 1849, plusieurs plans très détaillés indiquent les travaux à réaliser pour le rétablissement du Lazaret suivant le projet du 10 décembre 1818. Ce sont les premiers plans sur lesquels figure la tour « Paganini », près de la falaise sud, au delà de tous les autres bâtiments.

Cette première gravure  représente le projet de transformation du lazaret intitulé : «  Pienta et Proffilo del Lazzaretto di Villafranca coll’indicazione de’Lavori per il suo ristabilimento per servire al projetto de’ 10 Dicembre 1818 » ;  La vue du lazaret depuis la mer et le plan de l’ensemble sont à la même échelle.

 

Sur une variante de cette gravure provenant des Archives du Génie Militaire de Rome relevée par Mara de Candido sont indiqués les différents éléments du lazaret existants et ceux à modifier ou à construire :

Le bâtiment sud où se situaient les fours pour la darse royale est à transformer en magasins et en logements pour la quarantaine de simple observation. Le bâtiment nord avait été transformé en bagne. Il est prévu d’y entreposer au rez-de-chaussée les grains et autres matières non susceptibles et d’héberger au premier étage les équipages en quarantaine de simple observation. Le bassin de construction de frégates est destiné aux « sereines », c’est-à-dire à l’étalage à l’air libre des marchandises en vue de les désinfecter.

La digue sud doit être modifiée pour pouvoir mettre à l’abri les navires (d’après le plan cadastral ci-après, cette modification n’a pas été effectuée).

En bas à droite est détaillé le projet de création, dans le bâtiment en bord de mer à l’extrême sud du lazaret, d’un hôpital pour les personnes infectées de la peste ou autres maladies contagieuses, avec infirmerie, cuisine, latrines et une petite cour, complétées d’ une citerne à l’usage de l’infirmerie.


Une troisième gravure détaille la partie nord du lazaret et en représente une vue en coupe, direction darse, suivant les lignes colorées en rouge. Le dénivelé est doublé par rapport à la réalité.

chapelle lazaret

La petite chapelle située à l’extrémité du bâtiment nord doit être remplacée par une chapelle plus grande située en hauteur de 5 m de côté environ. (Archives du Génie Militaire de Rome)

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FT 5B 369

Ce plan en très mauvais état provenant aussi des Archives du Génie Militaire de Rome daté de 1857, on voit que la chapelle a bien été réalisée et que le bassin pour la construction des frégates sert aux sereines.

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Un plan cadastral de 1873 montre des bâtiments répartis de façon bien différente par rapport aux plans de 1849.

Plan cadastral de Villefranche, quartier St Estève, de 1873 (archives départementales en ligne des Alpes Maritimes)

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Une photographie du Lazaret prise entre 1880 et 1892 (archives en ligne des Alpes Maritimes) montre une partie des bâtiments à cette époque, conforme aux indications du plan cadastral. L’enceinte du lazaret et les deux tours de garde sont visibles.

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Extrait du journal de Monaco du mardi 26 mai 1885
(Nous remercions Dominique Bon qui nous a communiqué cet article)

 


 

Les voûtes de la Darse


Vue actuelle sur les voûtes

La typologie de l’édifice est caractéristique des bâtiments destinés à abriter et accueillir à la fois hommes et marchandises

L’édifice monumental qui domine et caractérise le port encore aujourd’hui, avec ses arcades imposantes ou «voûtes», fut construit à partir de 1719 en utilisant principalement la main d’œuvre des forçats. Sa typologie est caractéristique des bâtiments destinés à abriter et accueillir à la fois hommes et marchandises en transit, tout autant vers des destinations à terre que pour des liaisons maritimes, plus fréquentes, comme c’est le rôle d’un port ; mais les «voûtes» de Villefranche sont d’une grande qualité architecturale. Deux longues nefs pouvaient constituer un chantier naval organisé pour un travail à la chaîne, soit parallèlement, soit perpendiculairement à la mer.

vue interne des voûtes vers 1970

 

tunnel creusé en arrière des voûtes

Les magasins situés en arrière, creusés dans la montagne, d’une profondeur allant jusqu’à 50 mètres, étaient particulièrement adaptés à l’entreposage des mâts des navires ou des rames des galères.
Les documents révèlent que dans la première arcade jaillissait une source d’eau douce alors que la seconde était destinée à une chapelle.


A partir de 1771, sur la double nef couverte des voûtes fut construite une caserne massive à quatre étages pour loger les soldats du roi de Sardaigne, trop nombreux pour l’espace dont ils disposaient dans la citadelle. Le nom, «Caserne Dubois», qui figurait sur cet édifice, rappelle qu’il a hébergé un bataillon de Chasseurs Alpins à l’époque française. Après la démolition de la caserne, en 1942, Eugène Beaudouin, architecte en chef des Bâtiments publics et Palais nationaux, créa au-dessus des voûtes primitives épargnées, en 1958, un jardin suspendu aujourd’hui entretenu par les bénévoles de l’Association pour la Sauvegarde du Patrimoine Maritime de Villefranche.

Plan du jardin Beaudouin

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DOCUMENTS

Plans des voûtes et de la caserne

L’effondrement de la caserne Dubois

Le petit niçois, samedi 18 août 1928

Mortel effondrement à la Caserne de Villefranche

Un ouvrier maçon est tué sur le coup, deux autres sont dans un état alarmant, six jeunes soldats sont blessés.

Un très grave accident qui aurait pu avoir des conséquences plus terribles encore, s’est produit hier après-midi à la caserne du 24e B.C.A., dite Caserne de la Darse, à Villefranche-sur-mer. Voici d’après notre enquête personnelle, en quelles circonstances est survenu l’accident : La Caserne de la Darse, du 24e Bataillon de Chasseurs Alpins, fait face au magnifique panorama que l’on découvre des quais de Villefranche ; elle est vieille. Il y a quelque temps, l’adjudant de casernement Bourgoin remarquait que le plancher carrelé d’une vaste salle en soupente du dernier étage de la caserne s’affaissait par endroits. L’adjudant Bourgoin n’avait pas qualité pour faire effectuer la réparation ; il ne lui incombe que la responsabilité des opérations de moindre importance telle que le crépissage. Il avisa donc M. Corbini, le casernier, qui est un civil délégué par les Services du Génie militaire, et le capitaine Ricci, représentant ces mêmes services. Les travaux reconnus urgents furent mis en adjudication, et ce fut l’Entreprise Fouchachon, 29, rue Barla, qui devint adjudicataire.Les réparations devaient commencer hier à 1 h 30. A 1 h 50 se produisait la catastrophe.

L’effondrement

Actuellement la Caserne de la Darse connait le calme et la quiétude, nous sommes à l’époque des manœuvres. Les troupes sont parties et il ne reste au quartier, avec les soldats chargés d’un emploi, qu’une compagnie hors-rang. C’est à cette circonstance que l’on doit ne pas enregistrer un plus grand nombre de victimes. Pour comprendre de quelle façon s’est produit l’accident, il est nécessaire que nous donnions succinctement la topographie des lieux.Si l’on faisait une coupe verticale de la partie gauche de la caserne, celle qui est du côté des écuries, on aurait l’impression d’être devant une ruche d’abeilles dont les alvéoles seraient rectangulaires. Le bâtiment est coupé dans toute sa hauteur par de cloisons qui, perpendiculairement, vont du toit jusqu’au sol. Ces cloisons forment ainsi à chaque étage quatre salles distinctes, qui communiquent par une porte ; elles sont à peu près identiques. C’est ainsi que le premier étage est divisé comme le second, comme le troisième et le quatrième comme le troisième. A l’extrémité gauche du bâtiment monte un escalier qui donne accès aux quatre étages. La salle qui exigeait une réparation urgente est la deuxième au quatrième étage.Les travaux devant commencer hier, l’autorité militaire fit évacuer les salles immédiatement au-dessous, c’est-à-dire celles des troisième et deuxième étages, mais ne jugea pas nécessaire de faire évacuer la salle du premier étage, laquelle, comme les deux autres, servait de dortoir commun avec ses 24 lits réglementaires. Hier, à 1 h 30, les ouvriers de l’entreprise 

Foucachon se mettaient au travail. Avant de refaire le carrelage, il fallait étayer le plancher de la salle. C’est ce que se mirent en demeure d’entreprendre trois maçons terrassiers italiens, les nommés Clero, Metas et Delcosse. Jean Delcosse prit un pic et commença à défoncer le plancher. Tout d’un coup et sans que rien ait pu le faire prévoir, le plancher tout entier céda sous le poids des trois ouvriers. Une crevasse large de 7 mètres et longue de 18 se forma. Cet amas de plâtras tomba sur le plancher du troisième étage, qui céda en deux endroits différents ; deux trous se produisirent : l’un de 10 mètres sur 2 ; l’autre de 4 mètres sur 3. L’avalanche de pierres, poutres et matériaux dégringola sur le plancher de la salle du second étage, qui s’affaissa lui aussi sur une largeur de 5 mètres et une longueur de 9. Ainsi éventré, le plafond du dortoir où à ce moment reposaient une dizaine de jeunes soldats, laissa passer les plâtras qui recouvrirent les militaires et firent céder le parquet de leur chambre. Une crevasse ovale se produisit, longue de 8 mètres et large de 5. Les lits furent précipités sur le sol, mais, heureusement, ils étaient vides ; les jeunes soldats étaient tous couchés dans des lits entourant la crevasse. L’un des lits occupés resta en équilibre sur le bord du gouffre. Le jeune soldat qui y dormait, M. Courchet, eut juste le temps de sauter à terre et de voir disparaître son matelas.

Les secours

Il était 1 h 50. Les officiers allaient regagner le quartier et la population se rendait au travail ; aussi le fracas épouvantable que produisit la catastrophe attire-t-il sur les lieux un grand nombre de personnes. Aux premiers rangs, l’on notait le commandant Bosson, du 24e B.C.A. Les secours s’organisèrent. Les réservistes, qui étaient arrivés le matin même, contribuèrent beaucoup au déblaiement des décombres sous lesquels étaient ensevelis les trois ouvriers italiens, tandis que les camarades des soldats blessés se précipitaient à leur secours. Les ambulances furent alertées. L’hôpital Pasteur, de Nice, avisé, envoya du secours. A Villefranche, la gendarmerie avec MM. Metin et Parisi, se transporta sur les lieux où se trouvait déjà M. Bay, deuxième adjoint au maire de Villefranche, et où ne tardèrent pas à arriver M. Durmet, secrétaire général de la Préfecture, ainsi que le chef du cabinet du Préfet. Des décombres on retire le cadavre de Jean Delcosse, l’un des maçons et les deux corps ensanglantés de ses infortunés compagnons, François Metas et Jean Clero qui, après avoir reçu les premiers soins à l’infirmerie de la caserne, furent ensuite dirigés sur Nice à l’Hôpital St-Roch.

   La démolition de la caserne Dubois

(photographies consultables sur le site des archives départementales des Alpes Maritimes)

La caserne et le port, le 5 septembre 1941

             Caserne av demolition 20 09 1941

Photographies prises avant la démolition de la caserne  le 20 septembre 1941     

 

 

Fin de la démolition de la caserne, le 28 septembre 1942