Le Zaca : ombres et lumières
Le retour du Zaca, le célèbre bateau d’Errol Flynn, à Villefranche
Juin 2005, le Zaca, bateau d’Errol Flynn, la star américaine des années 50, revient à Villefranche pour un remâtage au chantier Pasqui.
Ce bateau mythique, qui joua un rôle important dans la vie de la star, de 1946 à 1958, n’a pas toujours été sous les feux de la rampe. Depuis son lancement en 1930 jusqu’à son mouillage actuel à Monaco, son destin a croisé celui de la rade où il resta dans l’ombre quelques années. Les amoureux de la Darse se souviennent de sa silhouette pathétique abandonnée.
Des débuts prometteurs
Goélette de 36 m de longueur hors tout, 1 350 m2 de voiles, le Zaca fut lancé à Sausalito, en Californie. La construction en 8 mois seulement d’un tel yacht de luxe, l’année suivant la grande dépression de 1929, fut un défi qui n’effraya pas Templeton Crooker, le banquier qui commissionna le bateau.
Le premier rôle du Zaca fut une expédition scientifique dans les îles Marquises. Par la suite, la goélette, équipée pour l’étude de la biologie marine, n’arrêta pas de naviguer. De 1932 à 1938 le Zaca fit le tour du monde et vint même à Marseille où Bernard Voisin, du chantier naval du même nom, le vit pour la première fois.
Pendant la seconde guerre mondiale, le navire, peint en gris bleu et équipé de mitrailleuses patrouilla dans la baie de San Francisco. Il remplit sa mission au service de l’US Navy. Finie la guerre, fini le prestige du soldat ! Démobilisé, démâté, réduit à n’être qu’une marchandise en surplus, le Zaca fut mis en vente.
Les feux de la rampe
C’est en 1946 qu’Errol Flynn, le Faucon des mers, le Capitaine Blood, en devint propriétaire. Il investit plus de 80 000 dollars dans la restauration de sa structure et de son intérieur où il installa une salle de projection. La star déclara :
« Je veux que Zaca soit un symbole de ce que je représente ».
A partir de ce moment là le destin du bateau fut lié au cinéma. Fiction ou réalité ? On raconte qu’avec le bateau Flynn aurait fait du trafic d’or et d’armes en Amérique du sud. Ce qui est certain c’est que le bateau servit de décor aux divertissements de ses nombreux amis. Au cours du tournage de La dame de Shanghaï,en 1948, Orson Welles et Rita Hayworth s’y installèrent pendant 5 semaines. C’est pendant le tournage d’un autre film La Taverne de la Nouvelle Orléans que Bernard Voisin fit la connaissance de l’acteur sur son bateau au mouillage à Monaco.
L’envers du décor
Ecoutons le témoignage de Bernard Voisin qui risque de décevoir les fans d’Errol Flynn :
« On a fait des petits travaux sur le bateau, on n’a jamais été payé. On arrivait le matin, il nous offrait du rhum Baccardi. On a tourné le film. A la scène du final Errol Flynn était bourré et je l’ ai doublé avec Micheline Presle dans les bras, qui marchait sur le quai au milieu des flammes. Une partie a été mise dans le film. J’ai vu le film au moins 20 fois et à la fin, je disais : c’est moi, c’est moi, c’est pas Flynn. Ce n’est pas tout à fait vrai, mais cela faisait bien ».
Bernard Voisin conseilla à Errol flynn de faire naviguer le Zaca malgré son état déplorable dû aux problèmes d’argent de la star. Le bateau était très abandonné; cela faisait quatre ans qu’il était pratiquement sans entretien. Il y avait beaucoup de gréements courants à changer. Grâce à un producteur de film, le bateau fut réarmé en 1951/52. Bernard Voisin réussit à le faire naviguer à l’aide d’une équipe de 15 judokas ! Il nous raconte :
« Il y avait 2 gars qui connaissaient un peu la combine, moi je la connaissais, j’avais pas mal navigué et on a fait naviguer le Zaca à ce moment là. Les quelques photos qui ont été prises du Zaca naviguant c’est avec moi que cela a été fait . On avait 15 gars à bord, on a fait une combine qu’on avait déjà utilisée sur le France pour le Hornblower. Toutes les manoeuvres étaient sur le pont : la verte, la jaune, la grise, la marron et les gars marchaient bien. On a navigué par petit temps, on a quand même mis la lice dans l’eau, un bateau qui marchait à 12/13 noeuds. On s’est vraiment fait plaisir ».
A la dérive
En 1952, Errol Flynn quitta l’Amérique et hissa les voiles pour Palma de Majorque. Là, il retrouva ses vieux copains d’Hollywood et fréquenta la jet-set. Le Zaca fut alors le théâtre des dérives de la star, non seulement le long des côtes mais surtout dans l’alcool et les casinos. En 1958 , décidé à vendre le bateau pour payer ses dettes, l’acteur mourut subitement à l’âge de 50 ans sans mener à bien la transaction.
Le Zaca abandonné dans le port commença à pourrir jusqu’en 1965 où un Anglais séduit par son passé mouvementé l’acheta. Après moult péripéties – son nouveau propriétaire le pilla, et le laissa dans un état épouvantable – le bateau fut remorqué en Méditerranée.
C’est à ce moment là qu’il croise de nouveau le destin de B. Voisin. Celui-ci, qui avait signé un contrat d’entretien et de gardiennage du bateau, s’adressa alors aux avocats de la succession de l’acteur. Non seulement pour être payé et régulariser le contrat, mais aussi pour acheter ce bateau qui le faisait rêver. La transaction dura plusieurs années et aboutit en 1967.
Bateau fantôme
Le sort du Zaca hantait Bernard Voisin :
« J’ai rêvé, j’ai fait des rêves sur ce bateau, il était à mon nom. Je rêvais de le mettre impeccable. J’ai payé les droits du port à mon nom pendant une dizaine d’années. Ensuite je l’ai fait passer au nom du chantier, il est rentré dans l’actif du chantier, au moment du dépôt de bilan. »
Du rêve à la réalité, les distances parfois sont infranchissables. Bernard Voisin dut renoncer à son projet. Abandonné, le Zaca tel un bateau fantôme, semblait hanté par le spectre d’ Errol Flynn. En 1979, deux prêtres, un anglican et un catholique procédèrent à une cérémonie d’exorcisme à la cathédrale de Monaco.
Libéré de ses démons et malgré certains travaux, le Zaca était toujours incapable de naviguer. Après avoir coulé plusieurs fois dans la rade de Villefranche il sombra dans l’oubli suite au dépôt de bilan du chantier Voisin en 1987.
Renaissance
C’est en 1990, suite au rachat du chantier Voisin par Monsieur Coussins que celui ci le vendit à son propriétaire actuel Monsieur Memmo. Ce dernier, vivant à Monaco fut ému et séduit à son tour par le destin tragique du Zaca. La restauration du bateau prit deux ans au chantier naval de Toulon puis le Zaca réapparut sous les feux de la rampe.
Enfin sorti de la tourmente, il parade aujourd’hui à Monaco. Au Yacht Club, son élégante silhouette rivalise avec d’autres vieux gréements tout aussi prestigieux.
Désormais, pour se faire une beauté, le Zaca fait escale à Villefranche au chantier de Gilbert Pasqui. Celui-ci, charpentier de marine de renommée internationale, grand amoureux et spécialiste des vieux gréements fut chargé de son remâtage.
Juin 2005, enfin prêt à affronter les rigueurs océanes le Zaca vogue à nouveau. Souhaitons lui bon vent!
Nous remercions monsieur Voisin pour toutes les informations données lors des entretiens avec les membres de l’Association.
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